La maladie de l’œdème est une pathologie de post-sevrage qui affecte le plus souvent les porcelets entre 5 et 7 semaines d’âge. Toutefois des cas au-delà de 10 semaines d’âge sont observés régulièrement.
Cette maladie coûteuse est le plus souvent connue sous sa forme aigue qui se caractérise par une mortalité élevée et subite si aucun traitement n’est mis en place.
Elle résulte du développement de bactéries Escherichia coli (E.coli), pathogènes présents dans l’intestin des animaux.
Il est important de rappeler que les E.coli intestinaux commensaux non pathogènes contribuent à l’équilibre intestinal normal de l’hôte, tandis que les E. coli pathogènes qui sont porteurs de facteurs de virulence peuvent causer de graves maladies comme la maladie de l’œdème ou les diarrhées colibacillaires fréquentes elles-aussi en post-sevrage.
Quel est l’agent responsable de la maladie de l’œdème ?
La maladie de l’œdème décrite chez le porc est due à la sécrétion d’une toxine : la shigatoxine produite par des bactéries colibacilles particulières. Ces bactéries, présentes dans le tube digestif des porcs, sont appelées STEC : Shiga Toxin producing Escherichia coli.
Quel est le mécanisme d’action des STEC ?
L’infection se fait par voie orale. Ingérés en nombre suffisant, les E. coli STEC colonisent le tube digestif du porcelet et se multiplient rapidement en conditions favorables. La colonisation dure 3 à 6 jours et implique la fixation des E. coli STEC à des récepteurs présents sur la paroi (épithélium) de l’intestin grêle. Ceci se fait grâce à des facteurs d’attachement appelés adhésines fimbriaires.
Le facteur d’attachement le plus connus est le F18 : il permet aux E. coli de se fixer sur la muqueuse intestinale. Néanmoins on estime que pour 20% des E. coli producteurs de Stx2e, la présence du F18 n’est pas mise en évidence même si leur rôle pathogène est admis.
Une fois la fixation sur la muqueuse intestinale faite, les toxines Stx2e produites par les E. coli STEC sont libérées dans la circulation sanguine et entraînent des lésions vasculaires dans différents organes cibles. Les fluides quittent le système vasculaire et s’accumulent dans divers tissus, causant ainsi des œdèmes des paupières, du colon, des nœuds lymphatiques, du cerveau, du larynx....
Légende : mécanisme d'action de la toxine stx2e dans la pathogénie de la maladie de l'œdème.
Quels sont les facteurs de risque ?
Le portage de STEC par les porcelets n’est pas un paramètre suffisant à l’expression de la maladie de l’œdème ; d’autres critères rentrent en jeu comme la quantité de STEC présents ou l’état général des porcelets impactant leur sensibilité.
En effet les porcelets d’une même bande peuvent présenter des symptômes dans un élevage - bâtiment- salle - case et pas dans les autres. La maladie s’exprime généralement dans les premières semaines suivant le sevrage, période de stress pour le porcelet qui change d’environnement et d’alimentation.
Les E. coli naturellement présents dans les déjections de porcelets – dans les canalisations d’eau (biofilm) ou dans l’eau de boisson- peuvent aussi être présents en quantité plus ou moins importante selon les mesures d’hygiène - nettoyage opérées et les types de sol offerts aux porcelets.
Quels sont les signes cliniques ?
La maladie de l’œdème peut s’exprimer sous 2 formes : la forme aigüe et la forme dite “subaiguë”.
La maladie de l'œdème sous forme aigüe
Elle sévit cliniquement surtout en post-sevrage et parfois en engraissement (17% des cas - Jardin et al., 2017). Cette maladie peut être sporadique et affecter seulement quelques individus, mais elle peut aussi toucher un lot de porcs entier.
La manifestation aiguë est souvent une mort subite sans signe préalable de maladie. La mortalité peut être très élevée (jusqu’à 50% d’un lot). En parallèle, certains porcs malades deviennent anorexiques et présentent un gonflement des paupières et du front. Parfois, l’œdème du larynx entraîne un cri particulier.
En raison de l’œdème cérébral, un animal malade peut être pris de convulsions, se coucher sur le côté et effectuer des mouvements de pédalage. Les porcs qui survivent à la maladie sont peu nombreux et restent chétifs (retard de croissance).
La maladie peut se répéter sur un même lot de porcs. Dans ce cas, les signes cliniques réapparaissent, en particulier après stress comme un changement d’alimentation.
La maladie de l'œdème sous forme aigüe
On peut également observer des manifestations subaiguës : l’animal ne présente pas de signes cliniques francs mais développe des lésions microvasculaires et a une croissance moindre. Une perte d’homogénéité des porcs au sein d’un lot s’observe alors (Leneveu et al. 2019).
Comment diagnostiquer la maladie de l’œdème ?
Les signes cliniques précédemment décrits et la chronologie de leur survenue sont des éléments clés de suspicion.
Le diagnostic de laboratoire permet d’effectuer le diagnostic différentiel avec la Streptococcie, responsable elle-aussi de symptômes neurologiques, qui peuvent parfois être confondus avec la maladie de l’œdème.
Pour établir un diagnostic définitif, le recours à l’examen de laboratoire est nécessaire. Le meilleur choix est d’apporter un ou plusieurs porcelets vivants / récemment morts et non traités pour autopsie et description des lésions externes et internes observées.
Légende : œdème gélatineux du colon (Source : Université de médecine vétérinaire d'Hanovre (Allemagne))
Dans un second temps, le recours à l’examen bactériologique permettra ou non de mettre en évidence les E. coli STEC. Une PCR de recherche des différents facteurs de virulence complètera le diagnostic.
D’autres outils sont également disponibles :
- La recherche de colibacilles directement sur écouvillons rectaux d’animaux suspects,
- La recherche du gène codant pour la shigatoxine sur des pédichiffonnettes réalisées dans les cases de post-sevrage (permettant la collecte de matières fécales).
Pour un bon diagnostic, il est important de se rapprocher de son vétérinaire qui définira les examens à réaliser.
Quelles sont les conséquences techniques et économiques de la maladie de l’œdème ?
Outre un stress psychologique important pour l’éleveur liée aux pertes de porcelets, les élevages touchés par la maladie de l’œdème connaissent également des pertes financières du fait des défauts de performances générés. L’augmentation du taux de mortalité et la diminution des performances de croissance, accompagnées d’une consommation accrue d’antibiotiques, impactent le profit de l’élevage. D'où la nécessité de mettre en place différentes mesures de prévention une fois le diagnostic de maladie de l'œdème confirmé.
Références bibliographiques
- Jardin et al. 2017. Edema Disease in French pig production: Assessment of the knowledge acquired thanks to the genotyping of Escherichia coli since 2014. Congrès Esphm 2017
- Leneveu et al. 2019. Investigation de la maladie d’oedème subaiguë du porc en France, étude dans 41 élevages. Journées Recherche Porcine, 51, 265-270.
