Pour prévenir au mieux la grippe il faut tenir compte des voies de transmission des virus influenza. Les matières contaminantes sont les sécrétions oro-nasales des porcs infectés. La contamination se produit donc via des contacts nez à nez ou avec un objet souillé par ces sécrétions (des bottes ou le sol d’un couloir) et par voie aéroportée.
Les virus influenza qui circulent dans les élevages peuvent provenir :
- Soit d’une contamination extérieure d’origine porcine, via l’introduction d’animaux infectés ou la transmission aérienne entre élevages proches par exemple ;
- Soit d’une recirculation interne des virus : des animaux excréteurs (par exemple les porcelets les plus âgés du PS) contaminent les animaux naïfs, comme les porcelets récemment sevrés. Cette contamination peut être directe (dans le cas de mélange de porcs de bandes différentes par exemple) ou indirecte, via l’air notamment ;
- Soit d’une contamination extérieure d’origine humaine.
Comment se prémunir d’une contamination extérieure d’origine porcine ?
Cette contamination peut se produire via l’introduction d’animaux excréteurs, malades ou asymptomatiques. S’il est assez aisé de refuser l’introduction d’animaux avec des signes respiratoires dans son élevage, c’est beaucoup plus compliqué dans le cas d’animaux porteurs sains. Dans ce contexte, une quarantaine de bonne qualité prend toute sa valeur. Celle-ci, en maintenant isolés les animaux pendant les 4 premières semaines suivant la livraison, permet une élimination naturelle du virus par les animaux porteurs. Quand ceux-ci rentreront au contact des autres animaux de l’élevage, ils seront redevenus sains.
La contamination par des virus influenza peut également se produire par voie aérienne, entre des élevages voisins. Cette transmission a été démontrée comme possible à au moins 2 km de distance. En conséquence, les porcs charcutiers issus d’élevages ayant plus de 2 élevages voisins dans un rayon de 2 km ont 3,2 fois plus de risque d’être infectés par la grippe que les autres (Fablet et al. 2013). Les élevages situés dans des zones à densité porcine moyenne à forte sont donc très exposés. Se prémunir d’une contamination aérienne est difficile : seule la filtration de l’air entrant (avec filtre adapté) peut assurer une bonne protection.
Comment lutter contre les recirculations internes des virus ?
Ce cas de figure, très fréquent, est certainement sous-estimé sur le terrain. Pourtant, dans nos élevages conventionnels français, après introduction d’un virus influenza, la probabilité que ce virus disparaisse spontanément de l’élevage est très faible ; elle est même quasi nulle dans le cas des élevages en conduite semaine ou 10 bandes (Cador et al. 2017). En effet, les porcs excréteurs vont systématiquement contaminer de nouveaux porcs naïfs : les porcelets derniers nés, les cochettes récemment livrées ou encore les truies en fin de protection immunitaire.
Il y a un recyclage perpétuel des virus influenza à l’échelle de l’élevage. Quelles stratégies de lutte mettre alors en œuvre ? Nicolas Rose, chef de l’Unité Epidémiologie et Bien Être porcin de l’Anses Ploufragan / Plouzané, a formulé les recommandations suivantes à l’occasion d’une interview pour une revue intitulée Karnet d’ID (mai 2018) :
- Repérer la perméabilité aérienne entre et dans les blocs d’élevage. Par exemple, avoir des prises d’air dans les couloirs de circulation des porcs est particulièrement à risque. En effet, si des porcs excréteurs circulent dans le couloir (pour monter en engraissement par exemple), ils vont contaminer l’air entrant ensuite dans les salles de PS. Les porcelets plus jeunes vont ainsi se contaminer ;
- Protéger le troupeau reproducteur en le vaccinant. La vaccination régulière apporte une protection clinique durable des animaux vaccinés. De plus, les animaux vaccinés excrètent également moins de virus, ce qui contribue à réduire le risque de transmission virale (Deblanc et al., 2018)
- Renforcer la biosécurité interne de l’élevage, pour minimiser les contacts entre animaux de statut sanitaire différent. Par exemple, il faut réduire au maximum les mélanges d’animaux entre bandes mais également intra-bande. Cela commence dès la maternité, en se limitant à un maximum de 15% d’adoptions par bande.
Comment éviter une contamination externe d’origine humaine ?
Le porc est naturellement sensible aux virus influenza qui circulent chez l’homme.
Le virus H1N1 pandémique qui a émergé chez l’homme en 2009 a été introduit par l’homme dans des élevages de porcs du monde entier. Ce virus d’origine humaine rend les porcs malades, de façon similaire aux virus d’origine porcine.
Comment protéger alors ses porcs des virus influenza humains ? D’une part, la vaccination contre la grippe saisonnière est désormais recommandée chez les professionnels exposés aux virus porcins et aviaires dans le cadre professionnel afin d'éviter la transmission aux animaux des virus influenza humains (https://vaccination-info-service.fr/Les-maladies-et-leurs-vaccins/Grippe). La vaccination permet de réduire la charge virale excrétée, et donc de réduire le risque de contamination homme-animal (et homme-homme évidemment). D’autre part, pour les personnes présentant un syndrome grippal, le Haut Conseil de la Santé Publique recommande de ne pas rentrer dans les élevages ou, en cas de besoin impérieux, de rentrer en portant un masque FFP2 sans valve.
Quelles solutions pour réduire les signes cliniques associés à une infection grippale ?
Comme détaillé précédemment, il est évident que la lutte contre la contamination des porcs par la grippe est un combat difficile, voire impossible dans certains élevages. Devant ce constat, Il est logique d’adapter la stratégie préventive : l’objectif principal devient la minimisation des signes cliniques associés à l’infection.
Pour cela, deux axes de travail complémentaires peuvent être déployés :
- La vaccination des porcs. Celle-ci se pratique couramment chez les animaux reproducteurs et ponctuellement chez les porcs en croissance. Elle apporte protection clinique et réduction de l’excrétion (Deblanc et al., 2018).
- La lutte contre les co-infections, notamment bactériennes. Il est en effet classique que l’infection grippale agisse comme « l’étincelle déclenchant l’explosion ». Simultanément ou juste après l’infection, des co-infections se produisent : méningites à Streptococcus suis, polysérosite à Glaesserella parasuis, pneumonie à Mycoplasma hyopneumoniae… Il faut alors un plan de lutte contre ces pathogènes « suiveurs », reposant notamment sur la mise en place de mesures préventives comme la vaccination.
Pour en savoir pus sur les signes cliniques, consulter l'article : Mieux comprendre la grippe porcine : le tableau clinique
Références bibliographiques
- Fablet et al. 2013. Different herd level factors associated with H1N1 or H1N2 influenza virus infections in fattening pigs. Preventives Veterinary Medecine 112, 257-265.
- Cador et al. 2017. Control of endemic swine flu persistence in farrow‑to‑finish pig farms: a stochastic metapopulation modeling assessment. Veterinary Research, 48-58. DOI 10.1186/s13567-017-0462-1
- Deblanc et al., 2019. Etude des réponses du porc à l’infection par un nouveau variant de virus influenza porcin H1N2 et évaluation de la protection vaccinale. Journées de la Recherche Porcine 2019.