Anja Kibsgaard, du cabinet vétérinaire Oevet, a répondu à nos questions sur l’évolution de l’élevage danois et sur sa gestion de la grippe porcine.
Anja Kibsgaard (Cabinet vétérinaire Oevet)
Pouvez-vous nous présenter votre cabinet en quelques mots ?
Oevet est un cabinet comportant 12 vétérinaires spécialisés en santé porcine. Notre directeur est également enseignant à l’Université vétérinaire de Copenhague.
Nous intervenons au Danemark mais également dans l’ensemble des pays nordiques et dans certains autres pays d’Europe. Nous prodiguons des conseils sanitaires et techniques dans les élevages porcins mais nous ne délivrons pas de médicaments vétérinaires (au Danemark, seuls les pharmaciens sont autorisés à délivrer les médicaments vétérinaires).
Comment évolue la filière porcine au Danemark ces dernières années ?
Depuis plusieurs années, le nombre d’élevage était en constante diminution mais comme la taille moyenne des élevages progressait en parallèle, il n’y avait donc pas de perte d’effectif porcin.
En 2022, la filière a perdu 105 000 truies en juste un an, ce qui constitue une perte brutale de 10,3% de l’effectif truies. Cette décroissance est la conséquence d’un prix payé du porc faible (en lien avec la crise de la Fièvre Porcine Africaine en Allemagne, la chute des exportations vers la Chine, la crise Covid…) et d’un coût de production élevé (hausse des prix des céréales et de l’énergie à la suite de la guerre en Ukraine). Un certain nombre d’éleveurs de porcs ont donc jeté l’éponge.
En tant que praticiens, nous faisons donc face à une réduction franche du nombre d’élevages et à une professionnalisation grandissante des éleveurs. Leurs performances techniques progressent toujours, avec notamment une réduction récente de l’indice de consommation Engraissement (Tableau 1).
Tableau 1 : Evolution des performances techniques des élevages danois au cours des années (sources : SEGES innovation)
Les éleveurs sont logiquement de plus en plus exigeants envers les personnes qui les conseillent. A l’échelle de notre cabinet, nous cherchons à répondre à leurs attentes, en axant particulièrement notre travail sur la qualité des porcelets sevrés.
En quoi la grippe porcine interfère avec la qualité des porcelets sevrés ?
En premier lieu, j’associe la grippe porcine sur les truies à une réduction de leur capacité à produire du lait.
Prenons l’exemple d’un cas d’élevage récent géré par mon cabinet.
Fin 2022, nous sommes contactés pour intervenir chez un naisseur – post-sevreur de 870 truies qui se plaint d’une production laitière non satisfaisante. Nos investigations révèlent la présence de virus influenza dans le nez de porcelets allaités de 2 et 3 semaines de vie, ainsi qu’en PS.
Cette contamination très précoce des porcelets illustrant une circulation de grippe chez les truies, une vaccination contre la grippe est mise en place chez les reproducteurs.
Elle donne rapidement de bons résultats : le nombre de porcelets sevrés par portée progresse de 0,5 porcelet, tout en ayant besoin de moins de truies adoptives pour les élever (le % des truies adoptives est un paramètre technique suivi au Danemark. Dans cet élevage, il passe de 7,3% à 4% après la mise en place de la vaccination).
Le nombre de porcelets nés vifs augmente également de 0,5 porcelet, ce qui illustre l’impact de la grippe sur la reproduction.
Quelles sont vos recommandations générales en termes de diagnostic des virus grippaux en élevage ?
Pour s’assurer de détecter tous les virus influenza circulants dans un élevage, nous analysons 5 pools de 5 écouvillons nasaux prélevés au sein de plusieurs classes d’âge, depuis les porcelets allaités d’au moins 2 semaines de vie jusqu’aux porcelets en fin de PS.
Nous prélevons en priorité des porcelets présentant des symptômes évocateurs mais pas uniquement. Nous renouvelons régulièrement ce type de dépistage au cours de l’année, pour ne pas prendre le risque de passer à côté de l’arrivée d’un nouveau sous-type viral.
Quelles sont vos pratiques de prévention vaccinale de la grippe ?
La vaccination des reproducteurs contre la grippe est très répandue au Danemark : 60% des truies sont vaccinées. Deux vaccins sont disponibles, qui apportent une protection clinique vis-à-vis de différents sous-types.
Le protocole vaccinal est différent selon le stade physiologique :
- chez les cochettes en quarantaine, nous recommandons l’utilisation systématique des deux vaccins disponibles, par sécurité.
- chez les reproducteurs, un seul vaccin est en général utilisé, en fonction des sous-types influenza en circulation.
Toutefois, la mise en évidence du virus H1N1pdm a fortement progressé : en 2022, 58% des virus influenza détectés étaient apparentés au H1N1pdm. Aussi, de plus en plus d’élevages utilisent les 2 vaccins chez leurs reproducteurs également.