Ceva Swine Health Blog

Comprendre les diarrhées néonatales des porcelets

Rédigé par Sophie Brilland | 27 juin 2022 14:31:03

Les diarrhées néonatales (DNN) constituent une problématique courante dont l’incidence est variable selon les élevages. Elles se caractérisent par une augmentation de la fréquence d’émission de selles plus ou moins liquides et de couleurs variées : cela peut aller du jaune au vert ou être tintées de rouge. Ces diarrhées et touchent les porcelets durant leur première semaine de vie. 

Quels sont les germes en cause ?

Une publication de 2022 recense différentes informations sur les germes pathogènes impliqués dans les diarrhées néonatales (Jardin et al. Esphm 2022)  
  • Les germes fréquemment isolés dans les selles diarrhéiques

  • Les germes pathogènes responsables de diarrhée

Une maladie multifactorielle

La diarrhée néonatale est une maladie multifactorielle où des facteurs non infectieux interviennent régulièrement. De même, de multiples agents pathogènes peuvent être impliqués : virus, bactéries et parasites. Les souches E. coli entérotoxinogène (ETEC) sont considérées comme la cause la plus fréquente de diarrhée néonatale chez les porcelets dans le monde. 

En France, une étude menée entre 2015 et 2019 a montré que la responsabilité de Enterococcus hirae (E.hirae ) était établie dans 50 % des cas, 42 % pour les rotavirus et 27 % pour C. perfringens de type A (Cp A). L’implication simultanée de deux ou trois de ces agents pathogènes est établie dans près de 40% des cas (Jardin et al., Esphm 2022). 

  • Clostridium perfringens de type A et les rotavirus restent en tête des pathogènes impliqués en Europe.
 

France

(Jardin et al. 2022 – 477 élevages) 

Allemagne

(Mertens et al. 2022 202 élevages) 

Espagne

(Monteagudo et al. 2022) – 426 élevages 

 

Germes impliqués

 

Fréquence de détection des pathogènes  

C. Perfringens type A 

83.6 % 

59.2 % 

89.4% 

Rotavirus A 

37.8 % 

35 % 

44.9 % 

Rotavirus C 

26.8 % 

33.7 % 


Quels sont les facteurs de risque favorisant les diarrhées néonatales ? 

Chez le porcelet nouveau-né, la première colonisation du tube digestif du porcelet a lieu pendant la mise-bas ou juste après la naissance. Cette colonisation et les modifications se poursuivent pendant la période de lactation et le sevrage. Le microbiote intestinal est considéré comme non stable pendant les premiers jours de vie des porcelets, par conséquent l’hygiène et d'autres facteurs jouent un rôle primordial dans la prévention des diarrhées. 

 

Il est important notamment de veiller au respect de ses points clés :

  • Assurer un confort thermique optimal aux porcelets : le porcelet nouveau-né doit pouvoir se sécher et se réchauffer. Le coin nid nécessite d’être à une température de 34 à 40 °C et sur une surface pleine 
  • Assurer un environnement propre des cases de mise-bas : raclage régulier des déjections de la truie , nettoyage-désinfection entre bandes...
  • Assurer une prise colostrale de qualité : le colostrum est une source d’énergie, de chaleur et d’immunité (la protection des porcelets vis-à-vis de certaines infections précoces (repose sur le transfert d’anticorps maternels spécifiques via le colostrum)
  • Ne pas négliger l’importance du rôle de la truie : en amont, veiller à son état général, son programme alimentaire, son abreuvement et cela dès la lactation précédente.  

Quels sont les signes cliniques ? 

La diarrhée constitue le symptôme clinique le plus courant des infections digestives néonatales ; elle est caractérisée par une émission fréquente de selles plus liquides.  

 

Deux mécanismes sont impliqués dans les diarrhées infectieuses chez les porcelets nouveau-nés : une sécrétion excessive d’eau et d’électrolytes (diarrhée sécrétoire) ou un dysfonctionnement de la barrière intestinale avec atteinte de la muqueuse. 

 Le tableau ci-dessous résume les principaux types de diarrhée et les âges caractéristiques de manifestation, avec description des lésions (adapté d'après Diseases of Swine, Carvajal et al., 2019, Luppi, 2017) 

  Âge      
Agent  1ère  semaine 2ème semaine Morbidité  Mortalité  Caractéristiques de la diarrhée 
ETEC 

Importance surtout dans la 1ère semaine de vie 

   Variable  Variable  Sévère, aqueuse (blanche-jaune), sans sang 
Enterococcus Hirae      Souvent primipares  Plutôt faible  Crémeuse 
Rotavirus      Variable  Faible (sévérité dépendant de l’âge)  Aqueuse à pâteuse  
Clostridium Perfringens type A 

 

Premiers jours de vie  

   Variable  Plutôt faible  Aqueuse à crémeuse (parfois mucus) 
Clostridium Percringens type C   Variable    Taux de mortalité élevé   Aqueuse à sanguinolente 
Clostridium  difficile        Faible  Faible - modérée  Crémeuse à pâteuse, jaune 
PEDV, TGEV        Élevée  Élevée (dépendant de l’âge)  Sévère, aqueuse, verdâtre, pH acide 
C. suis     Pas plus tôt qu’au jour 5 ou 7 de vie  Élevée  Faible (Mortalité élevée si associée à CpA)   Aqueuse, jaunâtre 

 

Comment diagnostique-t-on les diarrhées néonatales ? 

Le diagnostic repose sur l'évaluation de l’historique de la maladie dans l’élevage, du nombre de porcelets concernés et de portées atteintes. Les caractéristiques de la diarrhée, l’examen clinique des porcelets complété par des évaluations lésionnelles et nécropsiques vont aussi permettre d’affiner le diagnostic.  

Le diagnostic de laboratoire est primordial : il repose sur l’analyse de porcelets caractéristiques, en début de symptômes et non traités. Le diagnostic différentiel doit être axé sur les autres causes possibles de diarrhée. Afin d’optimiser le choix des prélèvements, les analyses à effectuer et réaliser leur interprétation dans le contexte de votre élevage, il est recommandé d’avoir recours au vétérinaire suivant l’élevage. 

Les diarrhées néonatales sont complexes et de multiples facteurs entrent en jeu dans l’expression clinique. Aussi, afin de hiérarchiser les mesures préventives ou correctrices à mettre en œuvre, il est nécessaire d’effectuer une démarche diagnostique réfléchie. 

Quelles sont les conséquences techniques et économiques des diarrhées néonatales ?

Les diarrhées néonatales ont des répercussions sur l’usage d’antibiotiques, le taux de pertes et la croissance sous la mère des porcelets. 

En Suède, le coût estimé des DNN des élevages présentant une mortalité de 10% peut atteindre jusqu’à 134 € par truie et par an (Sjölund Esphm 2014).  

 

 

Références bibliographiques  

  • Jardin et al. 2022. Neonatal piglet diarrhea in France : which pathogens are involved? Poster au congrès Esphm 2022 
  • Mertens et al. 2022. Pathogens Detected in 205 German Farms with Porcine Neonatal Diarrhea in 2017. Vet. Sci. 2022, 9, 44. https://doi.org/ 10.3390/vetsci9020044  
  • Monteagudo et al. 2022. Occurrence of Rotavirus A Genotypes and Other Enteric Pathogens in Diarrheic Suckling Piglets from Spanish Swine Farms. Animals 2022, 12, 251. https:// doi.org/10.3390/ani12030251 
  • Sjölund et al. 2014 Financial impact of disease on pig production. Part III. Gastrointestinal disorders. Congrès Esphm 2014